L'énigme du frère blanc précolombien
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Lorsqu'en 1519, Hernan Cortès et sa petite armée se mirent en route pour conquérir Mexico, le roi aztèque Montezuma, qui n'avaient jamais vus de Blancs, leur envoya de la capitale Tenochtitlan des émissaires porteurs de vêtements somptueux, qui tinrent au conquistador un singulier discours de bienvenue :
« Notre Dieu et Seigneur, soyez le bienvenu ; il y a longtemps que vos serviteurs vous attendent. Montezuma, votre vassal et votre lieutenant , nous a chargé d'un présent pour vous ; il vous supplie de le recevoir avec les vêtements dont vous faisiez usage au temps de votre séjour parmi nous [1]. »
Les Aztèques n'étaient pas des gens pusillanimes, enclins à se rendre sans au moins quelques combats. Le discours que voilà s'explique par le fait qu'ils voyaient en Cortès le dieu Quetzalcoatl, qui était parti autrefois dans la direction du Soleil, assurant qu'il retournerait, comme l'assuraient maints textes de la tradition aztèque. Certes, les prédictions du retour d'un dieu-héros abondent dans les traditions religieuses, et l'on pourrait voir dans l'attente de Cortès par les Aztèques une manifestation de plus de cet espoir du retour.
Malheureusement les Aztèques ne se départirent de leur bienveillance à l'égard des conquérants que lorsque Cortès se révéla être, non Quetzalcoatl, mais au contraire l'ennemi juré de la religion des Aztèques... la suite nous la connaissons tous.
Nous pouvons toutefois qu’être frappés par le fait que les Indiens Hopi, du sud des Etats-Unis d'aujourd'hui, qui se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres du Mexique, ont un mythe similaire en plusieurs points, à ces différences près que le héros attendu n'est pas un dieu, mais un « frère blanc » perdu, Pahana. On peut se demander, si le mythe est antérieur à l'arrivée des Blancs.
On relève également que lorsque Colomb aborda l'île qu'il appela alors Hispaniola (Petite Espagne), qui est actuellement partagée entre Haïti et la République dominicaine, les Tainos lui firent part de prédictions de leur conquête par des étrangers barbus [2].
Deux chroniqueurs, Pietro Martire d'Anghera et Francisco Lopez de Gomara, recopièrent un chant des Indiens Tainos évoquant des conquérants aux longues barbes et aux corps couverts de vêtements qui viendraient un jour les réduire en esclavage [3].
La longue barbe est typiquement un trait européen, car le système pileux des Indiens ne permettait pas de cultiver de tels ornements, et les corps couverts de vêtements sont également un trait européen car, à Haïti, les Tainos allaient presque nus. Cela donne à supposer que les Tainos avaient déjà vu des Blancs.
Deux singularités ne font pas plus une bonne hypothèse qu'une hirondelle fait le printemps, mais il faut relever aussi que, beaucoup plus au sud, les Incas avaient un mythe étrangement voisin : c'est celui d'un dieu blanc appelé Viracocha, dont l'histoire est curieuse. Viracocha fut, en effet, un roi Inca qui régna au XIVe siècle, et qui prit son nom après un rêve dans lequel il vit un dieu blanc de ce nom, dont il se déclara le messager.
Ce qui est plus curieux est que ce roi fit réaliser une sculpture de ce dieu, qui existe à ce jour, et qui représente un homme barbu dont le type ne correspond absolument pas à celui des Incas. Il est, en effet, barbu et porte une tunique qui descend bien au-dessous des genoux, particularités aussi étrangères aux Incas qu'aux Aztèques. Viracocha aussi devait revenir un jour.
Le thème du retour du Blanc, commun aux traditions précolombiennes est assez plausible ; en effet, on peut imaginer aisément qu'en repartant, les explorateurs venus de l'est aient promis de revenir.
Force est donc de reprendre l'hypothèse selon laquelle il y eut des voyageurs de l'Ancien Monde qui abordèrent au Nouveau bien avant Colomb. Il y a, certes, celle de la découverte de l'Amérique du Nord par Erik le Rouge (vers 940-1010), explorateur norvégien qui aurait abordé dans le « Vinland », territoire qui correspondrait approximativement au Maine actuel [4].
Parmi d'autres thèses, il y a celle d'un abordage de Carthaginois au-delà des Piliers d'Hercule (Gibraltar), dont parle Aristote, ou encore celle selon laquelle l'Amérique aurait été « découverte » par des Hébreux au milieu du Xe siècle avant notre ère [5].
Citons également l'étude de l'historien Eugène Beauvois sur un éventuel exil des Templiers en Amérique. Beauvois se fonde ici sur l’arrivée au Mexique préhispanique d’un groupe de tribus - les Tecpantlacs - aux conceptions religieuses étranges et qui étaient vraisemblablement des Blancs...[6]
Nettement plus consistants sont les travaux sur un certain nombre de concordances entre des concepts et signes proche-orientaux et mésoaméricains, qui indiqueraient des relations entre la Méditerranée orientale et l'Amérique centrale, sans doute vers la fin du IIe millénaire : l'orientation solaire des édifices religieux, le cycle calendaire de sept jours, l'idée d'un axe cosmique et d'un « nombril » de l'univers, le concept du zéro, la croix gammée et de très nombreuses similitudes entre les poteries néolithiques des deux continents.
Notes :
- [1] Traduit de l'espagnol par Eugène Beauvois, voir « Les Deux Quetzalcoatl espagnols, J. de Grijalva et F. Cortès » (pp. 33-34).
- [2] Histoire des Yncas rois du Perou, Garcilaso de la Vega, t. I, Liv. V, Amsterdam, 1737, p. 261.
- [3] « (...) y que supiesen cómo antes de muchos años vendrían a la isla unos hombres de barbas largas y vestidos todo el cuerpo, que hendiesen de un golpe un hombre por medio con las espadas relucientes que traerían ceñidas. » La historia general de las Indias, Francisco López de Gómara, , Ch. XXXIII : « Que los de la Española tenían pronóstico de la destrucción de su religión y libertad. » 1554.
- [4] Voir l'article : « L'histoire de la mystérieuse Carte du Vinland »
- [5] Cette thèse se fonde sur le fait que les Indiens Yucatèques pratiquaient la circoncision et d'autres nombreux rites juifs, comme le rapporte le chroniqueur espagnol Bartolomé de Las Casas. L'un des ouvrages les mieux documentés sur le sujet s'intitule... Les Juifs en Amérique ancienne (Pierre Carnac, Éditions du Rocher, 1983).
- [6] Voir : « Les templiers de l’ancien Mexique et leur origine européenne », in Muséum, Vol XXI, 1902, pp. 185-234 (697-746).
Bibliographie :
- L'Histoire de l'Amérique, t. III, W. Robertson, 1780.
- Histoire de la conquête du Mexique, ou de la Nouvelle-Espagne par Fernand Cortez, Antonio de Solis (Libraires), 1759.
- Eugène Beauvois : « Les Deux Quetzalcoatl espagnols, J. de Grijalva et F. Cortès », in Muséon, t. IV, no 4, pp. 466-493 et pp. 572-593, Août et Octobre 1884, Louvain, C. Peeters, 1885.
- Histoire des nations civilisées du Mexique et de l'Amérique (...), par l'abbé Brasseur de Bourbourg, t. IV, Paris, 1859,
- Étude sur les rapports de l'Amérique et de l'ancien continent avant Christophe Colomb, Paul Gaffarel, Paris, 1869.
- L'énigme de l'Atlantide, A. Braghine, Payot, Paris, 1939.
- Les Conquérants du Pacifique, Pierre Carnac, éditions Robert Laffont, 1975.
Illustrations :
- 1) Le roi aztèque Moctezuma rencontre Hernan Cortès - Gravure extraite du livre « History of Hernando Cortez », de John S. C. Abbott, New York, Harper & brothers, 1855.
- 2) « Isles de Saint Domingue ou Hispaniola, et de la Martinique. Par le Sr. Robert Geographe ord. du Roy, Avec Privilege. 1750 ». Carte tirée du site internet http://www.davidrumsey.com
- 3) « The new world », illustration réalisée par Leventep (tirée du site http://leventep.deviantart.com)
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Commentaires
En ce qui concerne l'hypothèse (cette fois-ci) africaine de Maturin (en commentaire), il y a beaucoup de raisons d'y croire : les représentations de prisonniers de peau noire sur des documents mayas (codex Dorenberg, entre autres), la mention d'une famille princière africaine détenue sur une île au large de Cartagena, et le très net et singulier caractère africain des têtes monumentales de La Venta et de Tres Zapotes, au Mexique, plaident fortement en ce sens.
http://www.incapabledesetaire.com/edito3/revbat.pdf